Auteur Catherine Maillard Les arbres nous ressourcent

source : www.psychologie.com

© PSYCHOLOGIE n°83

Cela fait trente ans que Patrice Bouchardon travaille avec l’énergie des arbres. Il perçoit leurs messages, capte leur force et délivre leurs enseignements à l’occasion de stages. Il en est convaincu : la vie qui émane d’eux nous aide à retrouver notre dynamisme. Il vient de publier À l’écoute des arbres, je me suis rencontrée (Leduc.s éditions, 2018).

 

Debout, l’oreille contre le tronc, j’écoute, comme le faisaient autrefois les Indiens avec la terre. L’expérience donne à découvrir des chuintements, des bourdonnements, des bruits de ville », raconte Idalgo, 42 ans, pourtant doté d’un esprit cartésien. Ce matin, la forêt est le théâtre de curieuses expériences. Une vingtaine de personnes écoutent, touchent, hument en chœur les arbres ! Derrière cette activité, parfois jugée insolite, se cache un homme jovial, Patrice Bouchardon, dont le nouveau livre, À l’écoute des arbres, je me suis rencontrée, se présente comme un roman initiatique. Cet ingénieur devenu animateur de « stages et formations nature » a toujours nourri un vif intérêt pour ces majestueux végétaux, qui l’a conduit à une réflexion sur notre rapport à la nature. En quoi ce contact contribue-t-il à notre équilibre?

Sept litres d’oxygène pour nous tonifier

 

« Allez vous adosser contre un arbre qui vous inspire, détendez-vous et concentrez-vous sur votre respiration, propose Patrice Bouchardon à ses stagiaires. D’où part-elle? De votre ventre ? De votre gorge ? » Cette exploration attentive du souffle a pour effet immédiat une sensation de tonus retrouvé qui s’explique : les arbres ont une influence positive sur la qualité de notre atmosphère. « Ce sont eux qui transforment l’oxyde de carbone en oxygène, si précieux pour notre vitalité », rappelle Jacques Fleurentin, docteur ès sciences pharmaceutiques. En forêt, chaque arbre en produit environ sept litres par jour. Plus qu’il n’en faut à l’homme, dont les besoins quotidiens tournent seulement autour d’un demi-litre. De plus, cet oxygène naissant au sortir de la feuille est « anionisé », c’est-à-dire qu’il est accompagné d’ions négatifs.

Ces derniers présentent trois caractéristiques majeures : ils favorisent la dilatation des vaisseaux sanguins, améliorent l’oxygénation des tissus et luttent contre le stress. Pendant une séance de respiration avec un arbre, nous pouvons en quelque sorte prendre rendez-vous avec notre vitalité d’une manière plus «végétale ».

Quatre étapes pour éveiller nos sens

Quand le corps est noué, nos sens ne remplissent plus leur mission et nous avançons dans la vie comme des robots. Dans la forêt, narines et oreilles ouvertes, nos gestes perdent, au contraire, de leur automatisme : une étape importante pour mettre le mental au repos. Patrice Bouchardon l’assure : « Les arbres peuvent nous aider à ouvrir nos portes sensorielles afin de mieux habiter notre corps. » D’où les quatre exercices qu’il propose.

Tentez l’expérience

Choisissez un arbre qui vous attire, en forêt ou dans votre jardin, dans un square… Embrassez-le et écoutez, yeux fermés, les sensations que cela déclenche en vous. Vous prendrez conscience qu’on peut entendre autrement qu’avec les oreilles. Les mains à plat contre le tronc, écartez-les lentement et remarquez les picotements, la chaleur, etc., dans vos paumes: vous rencontrez les zones énergétiques de l’arbre. Comme pour une fleur, apprenez à sentir l’arbre. A chaque inspiration, identifiez les odeurs (sucrées, amères, boisées, etc.) et déterminez précisément ce qu’elles vous inspirent. Adossez-vous contre lui et prêtez attention à tout ce qui vous arrive : des pensées, des images, des émotions, des souvenirs. Renouvelez l’expérience auprès d’autres arbres.

 

 

  • Élargir son champ de vision « Déroulez vos pieds sur le sol et plongez votre regard dans le feuillage de l’arbre en amoureux du « voir » », suggère l’« animateur » forestier. Notre vue est tellement sollicitée que nous regardons souvent sans voir. «Au début, mon regard s’arrêtait au premier rideau d’arbres, témoigne Inès, 37 ans. En découvrant les espaces entre les arbres et les feuilles, j’ai compris que l’on pouvait aiguiser sa vue et aller au-delà des obstacles. Comme dans la vie. »
  • Explorer le toucher Notre peau possède deux millions de récepteurs sensoriels. Malgré cela, le toucher est devenu tabou dans notre société : comme nous n’établissons souvent qu’un contact visuel, l’image mentale prédomine sur la sensation. Pour rendre la place qu’il mérite au premier des sens, l’exercice consiste à occulter la vue. « Yeux fermés, mains tendues, j’ai parcouru le tronc, enjambé les racines… Ça m’a rappelé mon enfance », raconte Carlos, 26 ans. C’est vrai, ces retrouvailles sont souvent de l’ordre d’une jubilation enfantine. Mais ce n’est pas seulement pour raviver nos souvenirs que Patrice Bouchardon encourage ce contact, c’est aussi « pour renouer avec la spontanéité de l’enfance et reprendre confiance dans ses capacités physiques ».
  • Apprendre à sentir Sentir au lieu de penser, serait-ce le secret? Respirez le tronc d’un arbre, les bourgeons, les feuilles. Identifiez les odeurs. Derrière chacune se cachent des images, donc des émotions. « Le cerveau de l’olfaction, appelé aussi rhinencéphale, fait partie du système limbique, le siège de nos émotions et du plaisir », explique Benoist Schaal, directeur de recherche au CNRS. « Un jour, dans un verger de pommiers, mon corps s’est mis à pétiller, raconte Thérèse, 45 ans. Quand je suis morose, je me replonge dans cette sensation. »
  • Ouvrir ses oreilles Aujourd’hui, nous ne prenons conscience d’un son que lorsqu’il nous agresse ! « Si vous posez votre oreille contre un arbre, c’est bouleversant… » Patrice Bouchardon parle de mille bruits différents : des craquements graves, sourds ou aigus. Premier bénéfice : la détente cérébrale. Le mental encombrant et trop bavard est congédié, laissant la place à notre sensibilité et à notre réceptivité. Pratiquée régulièrement, cette technique permet d’être davantage à l’écoute de soi et des autres.

La forêt : la pharmacie du chaman

Anthropologue de la santé, spécialiste de la haute Amazonie, Jean-Patrick Costa, ancien de Pharmaciens sans frontières, a publié plusieurs ouvrages sur les Indiens jivaros et les médecins traditionnels, notamment Les Chamans hier et aujourd’hui (Pascal Galodé, 2016). Il explique comment les médecins shuars utilisent l’arbre à des fins thérapeutiques. Pour le chaman, dont le savoir repose sur le pouvoir de la nature, la pharmacie est la forêt. Il sait, ressent, qu’il peut échanger avec l’arbre. Pour se ressourcer, il pratique le hug tree, une respiration énergétique auprès de l’arbre, sorte de méditation.

Pourquoi l’arbre est-il « guérisseur »?

Les Shuars pensent que les âmes de leurs ancêtres se sont réincarnées dans les arbres. Ils font appel à ces esprits pour être guidés dans leurs chants et dans leurs danses de guérison. Pendant ces rituels, ils utilisent l’énergie de l’arbre, tantôt vivifiante, tantôt apaisante selon le tempérament de l’ancêtre réincarné, pour rééquilibrer celle de l’homme

Mille et un messages pour résoudre nos blocages

En poursuivant ses travaux, Patrice Bouchardon s’est rendu compte que les arbres pouvaient agir sur nos désordres émotionnels : « Chacun d’entre eux possède une qualité particulière, assure-t-il. Sa mission : l’éveiller en nous. » Ainsi, le bouleau nous inviterait à abandonner la lutte pour plus de douceur et d’harmonie. Le noyer susciterait l’autonomie et le sens de la responsabilité, et serait efficace en cas de deuil difficile… Michèle, 24 ans, se rappelle avoir tourné la page avec son ex-mari lors d’un exercice avec une vieille souche de noyer. Pensée magique? Déjà, phytothérapie et élixirs floraux nous apportaient des « médicaments » pour le corps et l’esprit, alors…

Parmi les végétaux, Patrice Bouchardon a identifié neuf antidotes (il les nomme «ressources») à neuf poisons produits par notre mental, qui parasitent notre bien-être physique et psychique.

Les quatre qui suivent chassent la fatigue et contribuent à relancer le dynamisme.

  • Le pin : combat le jugement, la critique. Favorise la lucidité, la lumière, l’énergie.
  • Le hêtre : combat la peur. Favorise la confiance en soi, la force intérieure.
  • L’aubépine : combat la dispersion. Favorise le recentrage, le sens de l’essentiel.
  • Le noyer : combat l’apathie. Favorise l’autonomie, la responsabilité, l’engagement.

lire

  • De l’énergie des arbres à l’homme, les 9 étapes de la rencontre avec soi, Patrice Bouchardon (Le Courrier du livre, 2017).
  • Au bonheur des arbres, comment ils nous ressourcent et nous font du bien, collectif (Terre vivante, 2018).
  • Ces arbres qui nous veulent du bien, Laurence Monce (Dunod, 2018).