Tuer le cancer : Patrizia Paterlini-Bréchot
Nul doute que plusieurs bonnes fées se sont penchées simultanément sur le berceau de Patrizia Paterlini-Bréchot. En effet, cette belle Italienne, née dans un bourg paisible d’Émilie-Romagne, a non seulement l’intelligence mais aussi la ténacité et la résistance physique lui permettant de mener à bien le combat de sa vie : tuer le cancer. Elle a aussi l’empathie. Son histoire commence avec la rencontre d’un malade terrorisé à l’idée de souffrir, comme son père d’un cancer du pancréas, et qu’elle n’a pas le sentiment d’avoir suffisamment aidé. C’est d’ailleurs par l’histoire de ce « patient zéro » qu’elle commence son livre*. On y suit le parcours, les doutes et le travail acharné de celle qui a décidé de vouer sa vie à traquer « le tueur en série le plus sournois qui existe ».
Elle déteste le cancer, car aucune autre maladie n’a, selon elle, un tel « caractère monstrueux ». Il « a fracassé » son rêve de pouvoir au moins aider les malades et diminuer leur peine. C’est pourquoi elle le traque sans relâche. Dans son ouvrage, on suit avec intérêt ses travaux, ses espoirs, ses déceptions, sa constance dans ce combat. À la manière du plus fin des limiers, elle piste son ennemi, l’espionne, l’analyse, scrute ses moindres mouvements, ses ruses pour échapper à la vigilance des défenses immunitaires et continuer à proliférer. Un véritable polar.
Comment le capturer, l’isoler pour le réduire à néant ?
Et si le « méchant » finissait par mourir ? C’est l’exploit que Patrizia Paterlini-Bréchot pourrait bien contribuer à réussir. Après deux décennies consacrées à comprendre le tueur, elle a réfléchi au moyen de le capturer, de l’isoler pour le réduire à néant. Avec son équipe – dont elle ne cesse de rappeler l’importance –, elle a trouvé le moyen de détecter sa présence dans l’organisme, à partir d’une simple prise de sang. Et cela, « avant qu’il n’y ait établi un domicile fixe à partir duquel lancer ses assauts mortels ». Donc avant que les « cellules cancéreuses circulantes » n’aient eu le temps de créer une tumeur détectable à l’imagerie.
Des travaux menés par les équipes des professeurs Paul Hofman et Charles-Hugo Marquette, à Nice, ont permis de diagnostiquer, parmi 245 patients, dont une majorité de gros fumeurs atteints d’une bronchopathie obstructive, ceux qui allaient développer une tumeur, et cela, plusieurs années avant que le cancer du poumon ne devienne visible sur une radiographie ou un scanner. « Le test Iset permet d’intervenir très en amont, alors que 75 % des cancers du poumon ne peuvent plus être opérés quand ils sont détectés parce qu’ils en sont à un stade trop avancé et ont déjà produit des métastases », écrit-elle.
La machine qu’elle a conçue ressemble, selon ses dires, à « une chimère de photocopieuse et de cafetière ». Mais elle est capable de détecter une seule cellule tumorale dans 10 millilitres de sang, « donc perdue au milieu de 100 millions de globules blancs et de 50 milliards de globules rouges ». Fière de son indépendance, mais ne pouvant financer les grandes études scientifiques qui assureraient un développement rapide de sa découverte, Patrizia Paterlini-Bréchot a choisi de vendre son procédé aux laboratoires de recherche intéressés. Pour cela, elle parcourt le monde. Trente machines ont déjà été achetées. Et, depuis peu, les patients français souffrant d’un cancer peuvent bénéficier du test « cytopathologie sanguine selon la méthode Iset ».
Malheureusement, trop peu de médecins le connaissent et il n’est pas encore remboursé. Mais cela ne devrait pas durer.
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