Stop à l’inflamation masquée

La taille des aliments diminue en catimini mais les prix gonflent

Alors que les prix à la consommation ont augmenté de 6 % depuis un an et pèsent sur les budgets des consommateurs, ceux-ci sont nombreux à alerter foodwatch sur une pratique constatée en supermarché : leurs produits favoris réduisent leur taille mais pas leur prix. C’est ce qu’on appelle la shrinkflation ou inflation masquée. La manœuvre s’opère en catimini. foodwatch, l’association qui milite pour la transparence dans le secteur agroalimentaire, a mené l’enquête et interpellé six marques qui ont modifié la taille de leurs produits phares ces dernières années : Kiri, St Hubert, Saint Louis, Salvetat, Lindt, Teisseire. Aucune n’a attiré l’attention des consommateurs sur ce changement de format. Elles justifient souvent cette shrinkflation par l’augmentation du prix des matières premières à l’époque du changement. Les prix de ces dernières flambant en ce moment, foodwatch prévient que le phénomène de shrinkflation risque d’aller croissant. foodwatch dénonce cette opacité et demande par le biais d’une pétition adressée aux fabricants et distributeurs qu’ils s’engagent à informer clairement les consommateurs et consommatrices.

« L’inflation masquée est difficile à documenter », explique Camille Dorioz, directeur des campagnes de foodwatch, « car vous ne trouvez pas les deux formats en rayons en même temps. Alertés par des consommateurs mécontents, nous nous sommes donc plongés dans les anciens catalogues promotionnels des supermarchés et avons ainsi retrouvé des formats plus grands et moins chers. Une réduction de taille de 10 à 20 % permet, l’air de rien, de réaliser de jolies économies à l’insu des consommateurs lorsque les prix grimpent jusqu’à + 37 % au litre ou au kilo tandis que les prix à l’unité augmentent bien moins. Certaines modifications opérées en catimini remontaient à 2019. Le phénomène n’est donc pas récent mais risque fortement de s’accroître car les fabricants justifient souvent la shrinkflation par le prix des matières premières, en forte augmentation ces derniers mois. »

Le pot de margarine St Hubert Oméga 3 a perdu 4 % de son poids, passant de 240 à 230 grammes, mais son prix au kilo a augmenté de 18 % depuis trois ans et son prix à l’unité de 13 %.

Dans ses boîtes de chocolat Pyrénéens au lait, Lindt a supprimé six bouchées (de 30 à 24), ce qui a réduit le poids du produit de 20 %. Le prix au kilo chez Carrefour a, lui, bondi de 30 % depuis 2020, quand le prix de la boîte a augmenté de 4 %.

Saint Louis a modifié l’emballage de ses briques de sucre en transformant le format de 500 g et de 750 g en un format unique de 650 g il y a trois ans et demi. Une opération gagnante : pour une diminution de poids de 13 %, le prix à l’unité a augmenté de 12 % tandis que le prix au kilo a gonflé de 29 % chez Carrefour.

Salvetat (Danone) a réduit la taille de ses bouteilles d’eau de 1,25 l à 1,15 l il y a deux ans. Moins 8 % de produit pour un prix au litre qui a augmenté chez Intermarché de 15 %, alors que le prix à l’unité a augmenté de 5 %. La mention « Format généreux comme les gens du Sud » a disparu.

Teisseire a réduit le volume de son sirop de grenadine de 20 % en fin d’année 2019, de 75 cl à 60 cl. Son prix de vente au litre chez Carrefour a, lui, bondi de plus de 37 % depuis lors tandis qu’à l’achat le prix d’une bouteille n’a augmenté que de 12 %. Le groupe justifie ce changement par une forte augmentation du prix du sucre.

Kiri a réduit la taille de la portion de son fromage fondu de 10 % il y a un an et demi. Les petites portions qui pesaient 20 g font maintenant 18 g. Chez Auchan, le prix à l’unité ne semble pas avoir changé mais le prix au kilo a augmenté de 11 %.

C’est bien simple : en moyenne, le panier composé de ces six produits épinglés par foodwatch a vu son poids diminuer de 12 % mais son prix au kilo ou au litre augmenter de 25 %.

« Avec notre pétition, nous ne nous arrêtons pas aux six exemples que nous avons trouvés. Nous avons alerté les autorités. Nous demandons surtout aux marques concernées, aux autres fabricants et aux distributeurs de s’engager à informer clairement les consommateurs et consommatrices des changements opérés. L’opacité est totalement inacceptable », conclut Camille Dorioz de foodwatch.

BIOCONTACT n°338