L’Express a raison. Dans l’une de ses éditions de décembre 2016, un article intitulé « Quitter Paris 2017 » déconseille de venir s’installer dans notre ville. L’Union – L’Ardennais y a consacré un article
Avec un tiers du département couvert de forêts, autant que la Savoie ou les Hautes Pyrénées, les paysages y sont désolants de nature et de verdure. La forêt est partout, aux portes de nos villes. Depuis Jules César, la forêt des Ardennes n’a trouvé que Shakespeare, Victor Hugo, George Sand ou Julien Gracq pour la défendre. Alors inutile d’insister.
Côté culture, c’est effectivement la catastrophe ! Chaque année fin août, rien qu’un petit rendez-vous dédié aux musiques actuelles, le Cabaret Vert, avec à peine 100 000 festivaliers en quatre jours, régulièrement classé et primé. Et une fois tous les deux ans, depuis 50 ans, Charleville ne devient la capitale internationale que d’un art tout à fait mineur, celui de la marionnette, qui n’attire du reste que 200 000 visiteurs en dix jours. Quant aux amateurs de poésie, ils seraient également déçus. A part Paul Verlaine, à part Arthur Rimbaud, pas grand-chose à voir… si ce n’est le musée consacré à ce dernier par Charleville, sa ville natale, classé l’an dernier parmi les 10 nouveaux musées du monde à découvrir par le quotidien anglais The Guardian.
Côté patrimoine, nous n’avons rien d’autre à offrir à Charleville que la petite sœur de la place des Vosges, formant le cœur d’une cité du 17ème siècle, tout au plus quelques dizaines de châteaux et d’églises fortifiées et la plus grande forteresse d’Europe, à Sedan, dans une ville tout entière marquée par l’histoire européenne. Peu de choses en somme…
Si vous aimez le sport, Charleville-Mézières et les Ardennes ne sont pas non plus pour vous. Ni les dizaines de kilomètres de voies vertes aménagées en bordure de Meuse, ni les dénivelés du massif ardennais, ni la doyenne des courses pédestres françaises (Sedan-Charleville) ne suffiront à occuper les coureurs et passionnés de vélo. Si vous aimez également le football, ce sera dur : le club de la ville voisine de Sedan évolue en National et une autre commune voisine, celle de Prix-les-Mézières, vient de se qualifier pour les 16ème de finale de la Coupe de France. Si vous aimez le basket, ce sera très dur : l’équipe féminine de Charleville-Mézières n’est que la première du championnat professionnel national, et les garçons seconds de la ProB.
Si vous n’êtes pas encore découragés, alors parlons un peu du terrible climat ardennais. On n’y peut rien mais nous avons le même ensoleillement qu’Amsterdam, Londres, Bruxelles ou Copenhague… C’est dire que la vie y est pénible. Quant à la pluie, c’est effroyable : il pleut à Charleville-Mézières autant qu’à Grenoble ! Heureusement qu’il pleut moins dans notre ville que dans des cités connues pour leur climat déplorable comme Pau ou Chambéry. On se console comme on peut…
Enfin, parce qu’il faut bien vivre, parlons un peu d’emplois. Et là, attendez-vous au pire : notre taux de chômage au 1er semestre 2016 (12,65%) est effectivement légèrement supérieur à celui de Troyes (12,3%) ou de Carcassonne (12,6%). Seules de pauvres villes peu attractives comme Montpellier, Perpignan, Nîmes ou Porto-Vecchio sont encore plus mal que nous. Il faut dire qu’il est si difficile de venir à Charleville-Mézières : 2 h 30 pour 230 kilomètres d’autoroute depuis Paris ou 1 h 40 par TGV. Reims est loin (45 minutes), Luxembourg très loin (1 h 30) et Lille, Metz ou Bruxelles… à moins de 2h avec l’autoroute dont l’ouverture est prévue pour la fin de l’année.
Pour vous former, ne comptez pas trop sur Charleville-Mézières et son agglomération qui ne comptent que 2 200 étudiants dans 55 filières d’études allant des arts aux technologies en passant par la maintenance des éoliennes, le commerce, le tourisme ou les soins infirmiers. Ni aujourd’hui ni demain avec l’ouverture d’un véritable campus en partenariat avec l’Université de Reims. Pour innover, là encore, notre département, actif dans deux pôles de compétitivité majeurs et doté de l’un des centres régionaux d’innovation et de transferts de technologie (CRITT) les plus actifs de France, n’est assurément pas le bon endroit.
Ne venez pas à Charleville-Mézières ni dans les Ardennes, sauf à aimer vraiment la chaleur humaine, la convivialité, le goût du travail bien fait qui ont séduit de grands noms du luxe comme la maison Hermès ou l’ébénisterie Rinck, sauf à rechercher les valeurs de franchise et de solidarité d’un territoire où, comme le dit le proverbe, on pleure deux fois : en arrivant et au moment de partir.
Parisiennes, Parisiens, lecteurs de L’Express, ne venez pas à Charleville-Mézières, ne venez pas dans les Ardennes ! Ou bien les clichés et les préjugés qui sont les vôtres pourraient disparaître. La vie est trop courte pour prendre le risque d’être surpris.
Réponse de Boris RAVIGNON maire de Charleville Mézières à l’Express janvier 2017