Le constat est là : notre monde actuel (et celui qui s’annonce) devient de plus en plus numérique. Avec un nombre non négligeable d’avantages, qui n’excluent pourtant pas certaines réserves. Pour le docteur Anne-Lise Ducanda, la première d’entre elles, essentielle et non négociable : prendre soin de tenir les tout-petits loin des écrans. Dans un livre sous-titré « L’épidémie silencieuse », elle rassemble témoignages de professionnels du monde médical et de parents, et brosse un portrait troublant d’un phénomène qui demeure assez mystérieux. Les effets remontent tous à la même cause, mais les échelles intermédiaires restent floues.
« Quand un écran s’allume, un enfant s’éteint »
Le ton du docteur n’est pas dramatisant ou « sensationnel », il est posé et réaliste. Cela fait plusieurs années que ce médecin de protection maternelle et infantile (PMI) rencontre de jeunes enfants au comportement inexpliqué : agressivité, retard de langage, non-réactivité… des symptômes qu’on oriente la plupart du temps vers l’autisme (un monde encore bien inconnu). « Cette situation est source de grande souffrance : pour les professionnels ; pour l’enfant, qui ne se sent pas comme les autres et qui est souvent puni ; pour les parents à qui l’on répète chaque jour que leur enfant est en difficulté. »
A force d’enquêtes et de questions, Anne-Lise Ducanda se rend à l’évidence : le point commun entre tous ces enfants est qu’ils sont surexposés aux écrans. C’est-à-dire que leur attention est portée, directement ou indirectement (présence d’une télévision allumée en arrière-fond dans une pièce par exemple) vers un écran.
Le docteur Ducanda réalise en 2017 une vidéo d’alerte, qui connaît une notoriété rapide et qui est beaucoup relayée. Des professionnels de santé font part de leur désarroi devant les mêmes phénomènes.
Des parents qui pensent bien faire
La plupart du temps, les parents donnent un écran à leur enfant en pensant bien faire. Que ce soit pour calmer le tout-petit (une mère rapporte que c’était la seule solution pour que son bébé s’alimente), pour l’occuper, ou pour… l’instruire et l’éveiller ! Le Dr Ducanda a rencontré beaucoup de parents fiers de la dextérité de leur enfant : « Regardez docteur, il est capable de compter jusqu’à 100 et connaît l’alphabet et les couleurs dans trois langues. » Situation cocasse si l’on peut dire… puisque le même enfant ne répond pas à son prénom, ne comprend pas des demandes simples et, à toute question, donne une couleur !
Un autre professionnel rapporte une scène déroutante : un enfant de deux ans s’approche de son nouveau petit frère et tente de l’animer en lui pressant différents endroits du visage et en lui passant l’index de haut en bas.