Quand j’étais jeune médecin militaire, j’avais souvent beaucoup de mal à m’endormir. Le stress des bombardements, l’horreur des combats, les hommes qui mourraient sous mes yeux. Tout cela faisait beaucoup d’émotions à gérer.
Le soir, ces images, ces bruits, et même les odeurs très particulières d’un théâtre de guerre revenaient cogner dans ma tête et m’empêcher de dormir.
Hélas, je n’avais pas sous la main les remèdes naturels que j’utilise habituellement. Parfois, je parvenais à cueillir quelques plantes locales, que j’infusais dans une tisane.
Il me restait heureusement une solution de secours : j’avais un petit appareil pour écouter de la musique. Allongé dans mon lit de camp, j’écoutais les concertos pour piano de Rachmaninov. Et la beauté de sa musique apaisait peu à peu l’ébullition de mon cerveau… et je finissais ainsi par trouver le sommeil !
Mais il n’y a pas que ceux qui sont au front qui souffrent de problème de sommeil.
Quel insomniaque êtes-vous ?
Les troubles du sommeil gâchent les nuits (et les journées) de 4 Français sur 10, deux fois plus souvent les femmes que les hommes et d’autant plus que l’on avance en âge.
Certes, il peut arriver à tout le monde de mal dormir un jour ou l’autre. Ce n’est un réel problème que lorsque l’insomnie s’éternise.
Il existe différents types d’insomnies :
- Quand on ne peut dormir plus de 6 heures par nuit
- Quand le délai d’endormissement dépasse une demi-heure
- Quand le temps total d’éveil sur la nuit est supérieur à 20 minutes
On peut parler, si vous êtes confronté à des difficultés d’endormissement, d’éveils multiples, de réveils précoces, d’un état d’éveil fragmenté par des micro-sommeils, ou de la nécessité de faire une sieste.
Il faut toujours comprendre le sens de ces problèmes de sommeil avant d’envisager un traitement, quel qu’il soit.
Les vraies causes des insomnies
L’insomnie peut avoir des causes aussi diverses que :
- Le stress qui donne lieu à un réveil précoce entre 4 heures et 5 heures du matin, une grande sensibilité au bruit au cours du sommeil et une agitation physique ;
- Les troubles de l’humeur, telle la dépression ;
- L’âge : en vieillissant le sommeil s’altère, le nombre d’éveils augmente, la récupération est moins bonne, les somnolences diurnes et le besoin de faire la sieste dans la journée est plus fréquent ;
- Le syndrome des jambes sans repos : il se caractérise notamment par des gênes au niveau des membres inférieurs (picotements, fourmillements, agacements d’impatience, sensation de courants électriques), une anxiété, une insomnie, des réveils nocturnes, et des troubles de l’humeur (de manière générale, il faut rechercher en priorité un déficit en fer par un dosage de la ferritine).
Les 13 règles d’or pour bien dormir
Je vous livre d’abord les conseils « élémentaires » pour retrouver les clés d’un bon sommeil :
- Ne pas boire de café, thé, alcool et autres excitants après 15 heures.
- Boire une tisane calmante, en faire un rituel avant d’aller au lit.
- Dîner léger.
- Éviter un excès de liquides.
- Se coucher à heures régulières.
- Éviter les somnifères qui ne procurent pas un sommeil naturel et de bonne qualité.
- Conserver une vie active, sociale le plus longtemps possible, et s’exposer à la lumière du jour quand cela est possible.
- Éviter de s’endormir en journée, excepté pour une courte sieste, et préserver le contraste veille/sommeil.
- Se coucher tôt et se lever de bonne heure si possible. L’adage : « La vie appartient à ceux qui se lèvent et se couchent tôt » reste valable, essentiellement pour les personnes proches des cycles du soleil et de la lune.
- Prendre un bain chaud, deux heures avant de se coucher, l’énergie thermique qui s’ensuit favorise le sommeil.
- Ne jamais oublier que les amphétamines, les coupe-faim, les corticoïdes, l’abus de somnifères, les antispasmodiques, les bêtabloquants, certains antidépresseurs, le café, le thé, l’alcool procurent des sommeils de mauvaise qualité, légers, instables, en supprimant le sommeil paradoxal et le sommeil lent profond.
- Éviter de s’endormir tout de suite après le dîner, après des discussions intellectuelles, après des activités physiques soutenues, après des émissions audiovisuelles agressives.
- Ne vous couchez que lorsque vous ressentez des signaux de sommeil (bâillements, nuque lourde, yeux qui piquent)
Et si votre sommeil se jouait dans l’assiette ?
Evitez d’absorber des glucides (comme des viennoiseries) avant 13 heures. Cette habitude bloque le tryptophane, le seul acide aminé qui parvient au cerveau. Par ailleurs le tryptophane stimule la sérotonine (satiété, joie de vivre) qui stimule la mélatonine (sommeil) laquelle stimule la leptine (modulation du poids). Quel beau système harmonieux !
Exemple de petit-déjeuner :
- 1 œuf dur, mollet ou à la coque ; ou 2 tranches fines de jambon blanc, sans couenne ; ou 2 tranches fines de blanc de volaille ou de viande des Grisons ;
- 1 petite tranche de saumon ;
- Supprimez laitages et fromages qui contiennent 80 % de phosphoprotéines (le lait maternel n’en contient que 10 %). L’excès de phosphore neutralise le calcium, qui est indispensable à l’élaboration de neuromédiateurs.
Réservez donc le lait de vaches aux petits veaux qui eux en ont besoin !
- L’après-midi, vers 17 h, prenez une collation à base de fruits frais ou secs, seuls ou avec une dizaine d’amandes et/ou 2 carrés de chocolat noir ;
- Le dîner, je rappelle l’aphorisme « qui dort, dîne ». Consommez des glucides à index glycémique bas (riz complet, quinoa ou légumineuses type haricots blancs, lentilles, pois chiches) et des protéines (poisson). Complétez par un apport en magnésium : à fortes doses (par ex : Bio Mag 2 fois 2 comprimés à croquer).
Un dîner excessif et bien arrosé peut entraîner des troubles du sommeil (de type cauchemar ou réveil à 4 heures du matin) : situations pouvant être améliorées par la prise d’un complexe micro-nutritionnel riche en enzymes digestives [1].
Gardez aussi ceci en tête :
- Un repas riche en glucides augmente la durée du sommeil.
- Un repas riche en graisses diminue la durée du sommeil.
- Un repas riche en protéines augmente la vigilance.
Un traitement adapté à chaque type d’insomnie
1. L’insomnie des personnes stréssées
Elle se caractérise par un réveil précoce entre 4 heures et 5 heures du matin, avec une grande sensibilité au bruit au cours du sommeil et une agitation physique.
La prise, au petit-déjeuner, de compléments alimentaires enrichis en tyrosine peut être bénéfique pour booster la synthèse de la dopamine.
Les conseils nutritionnels :
- Boire des eaux bicarbonatées type Salvetat et riches en magnésium.
- Prendre des compléments de magnésium le soir (250 mg) ;
- Prendre, 30 minutes avant le coucher, 2 cuillers à café d’une préparation d’extraits d’escholtzia et d’aubépine ;
- L’insomnie des personnes dépressives
- Il faut commencer par traiter la dépression. S’il s’agit d’une dépression avec un sommeil agité, de type dopaminergique, il faut augmenter les apports en tyrosine le matin.
- S’il s’agit d’une dépression de type sérotoninergique avec un comportement un peu agressif et une phase de « rumination » à l’endormissement, il faut augmenter les apports en tryptophane le soir.
- L’insomnie des personnes âgées
Avec l’âge, le sommeil s’altère, le nombre d’éveils augmente, la récupération est moins bonne, les somnolences diurnes et le besoin de faire la sieste dans la journée sont plus fréquents.Les séniors manquent souvent de fer et de vitamine D. On trouve du fer dans le chocolat, les huîtres, les noix de cajou, le boudin noir.Lorsque tout cela ne suffit pas, il faut recourir aux plantes, qui peuvent faire des merveilles (je vous en parlerai en détail une prochaine fois).
En attendant, n’hésitez pas à adopter la technique du jeune médecin de guerre : lorsque vous avez du mal à vous endormir, écoutez un beau morceau de musique classique !
Je vous souhaite de très belles nuits, de beaux rêves et surtout, une bonne santé à tous !
Dr Jean-Pierre Willem