Toute l’oeuvre d’Annick de Souzenelle nous dit combien nous avons lu les Evangiles de façon externe. Grâce à son étude de l’hébreu, elle nous plonge à l’intérieur de la parole, et tout change. La guérison du « lépreux » symbolise l’ouverture de l’intellectuel sec, que son « génie » sans coeur avait livré au diabolique. Celle de l’aveugle représente le passage de l’homme-animal à l’homme-divin. Pour guérir, nous devons pardonner à nos ancêtres et nous ouvrir à nous-même.
Patrice van Eersel : Nos maladies seraient des expressions des inaccomplissements qui, en nous, cherchent avec fureur à s’accomplir ? Annick de Souzenelle : Inaccomplis, nous le sommes ! Pourtant, n’importe quel humain contient, dans les profondeurs de son « noyau divin », les énergies nécessaires à son accomplissement, ainsi que toutes les informations concernant celui-ci. C’est ce qu’indique le mot hébreu Bassar, qui désigne aussi bien le corps que le « noyau » fondateur de l’Homme, scellé par Dieu au fond de nous. L’important est de voir qu’il n’y a aucune discontinuité entre notre corps et ce noyau divin informateur. Nous pouvons nous mettre à l’écoute de ce dernier et oeuvrer à intégrer en nous ces énergies, car nous sommes aimés par le Seigneur. Patrice van Eersel : La fièvre serait due à un feu intérieur encore prisonnier de notre inconscient ? Annick de Souzenelle : L’Homme contribue à ce que se construise en lui l’Arbre de la Connaissance. Mais s’il est sourd à cette information, il devient l’esclave des énergies qu’il contient et leur violence le rend malade et le détruit, comme elle détruit le monde. Si l’Arbre ne se construit pas en nous, le corps de l’Homme (ou le corps social) se délabre. La fièvre (ou la guerre) est déclenchée par le court-circuit des énergies non intégrées, qui deviennent alors des démons. Pour les transformer en amour, il faut savoir passer de la « lutte contre » à la « lutte avec », comme Jacob avec l’ange !
Patrice van Eersel : Notre monde est-il autant malade d’intellectualisme que de pulsions animales aveugles ? Annick de Souzenelle : L’anthropologue Marcel Jousse qualifiait d’« algébrosé » l’intellectuel brillant qui ne vit pas ce qu’il dit. N’ayant pas appris à écouter l’information que tient en secret son noyau fondateur, cet intellectuel a compensé son infirmité par le développement d’une prodigieuse intelligence, qui l’a amené à la connaissance par la seule voie de l’école. Or les grands maîtres de cette voie, enivrante mais extérieure, n’en sont pas moins restés esclaves de leurs animaux intérieurs. (…) Patrice van Eersel : Est-ce pour échapper à la maladie que Jésus nous invite à trouver une verticalité, donc une cohérence ? Annick de Souzenelle : La maladie qui tient l’Homme couché révèle que son âme reste esclave d’un animal de sa jungle. Lorsque le Christ descend dans cette jungle pour y nommer l’énergie sauvage, responsable de la maladie, et l’intégrer au corps du malade, celui-ci se redresse. Jésus lui dit : « Debout ! », ou « Va dans ta maison ! » – sa maison intérieure -, ou « Déploie tes ailes ! », l’invitant ainsi à une deuxième naissance.